L’espèce : La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision particulièrement instructive le 14 juillet 2022 (aff. C-168/21), dans une affaire où elle était saisie de questions préjudicielles posées par la Cour de cassation française dont la principale concernait les contours de la condition de double incrimination en matière de mandat d’arrêt européen (MAE).
Le sommet du G8 qui s’est tenu à Gênes en 2001 a donné lieu à de nombreuses manifestations de violences et de dégradations sur la voie publique ainsi qu’à de multiples confrontations entre groupuscules radicaux et forces de l’ordre, ces dernières étant accusées d’avoir répondu de manière disproportionnée (et parfois illégale) auxdits événements. Des procédures judiciaires très lourdes et complexes (eu égard notamment au nombre de personnes mises en cause et au caractère « croisé » des accusations de violences entre « manifestants » radicaux et forces de l’ordre) s’en sont suivies.
C’est dans ce contexte que, le 6 juin 2016, les autorités judiciaires italiennes ont émis contre KL un MAE aux fins d’exécution d’une peine de douze ans et six mois d’emprisonnement, prononcée par la cour d’appel de Gênes le 9 octobre 2009 (décision devenue définitive à la suite du rejet du pourvoi du mis en cause par la Cour de cassation italienne). Cette peine correspond au cumul de quatre peines infligées pour quatre infractions : vol avec arme en réunion, infraction punie d’une peine d’un an d’emprisonnement ; dévastation et pillage, infraction punie d’une peine de dix ans d’emprisonnement ; port d’armes, infraction punie d’une peine de neuf mois d’emprisonnement et explosion d’engins, infraction punie d’une peine de neuf mois d’emprisonnement.
S’agissant spécifiquement de l’infraction qualifiée de « dévastation et pillage », le MAE décrit les circonstances de commission de cette infraction de la manière suivante : « en réunion avec d’autres, étant plus de cinq personnes, en prenant partie à la manifestation contre le sommet G 8, [KL] a commis [des] actions de dévastation et de pillage dans un contexte, d’un point de vue du lieu et du temps, dans lequel il y a eu un danger objectif pour l’ordre public ; plusieurs cas d’endommagement de l’ameublement urbain et de propriétés publiques avec dommage conséquent qui n’a pu être quantifié avec précision, mais pas inférieur à des centaines de millions de lires ;
FONDEMENT : Décision-cadre no 2002/584/JAI du 26 février 2022, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, mod. par décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, art. 2 et 4
endommagement, pillage, destruction à l’aide d’incendie aussi d’[une] institution de crédit, de voitures et d’autres commerces, avec la circonstance aggravante d’avoir causé un préjudice patrimonial de gravité considérable aux personnes impliquées ».
KL n’ayant pas consenti à sa remise, les juridictions françaises ont été conduites à apprécier la régularité du MAE et, en particulier, le respect de la condition de la double incrimination, posée en ces termes par l’article 2, § 4, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 : « Pour les infractions autres que celles visées au paragraphe 2, la remise peut être subordonnée à la condition que les faits pour lesquels le mandat d’arrêt européen a été émis constituent une infraction au regard du droit de l’État membre d’exécution, quels que soient les éléments constitutifs ou la qualification de celle-ci ». Au terme d’un parcours judiciaire mouvementé (cassation d’un premier arrêt de refus de remise rendu par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes), la Cour de cassation était saisie d’un pourvoi contre de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction d’Angers (statuant sur renvoi après la première cassation) ayant elle aussi refusé la remise de KL aux autorités italiennes.
En substance...